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Quand le film s’ouvre, Augustine est employée comme servante dans une famille bourgeoise. Elle est prise d’un malaise assez spectaculaire en plein service, qui lui laisse tout le côté droit insensible, et notamment son oeil droit reste fermé. Elle va alors en consultation à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, pensant qu’on la soignerait. Le médecin qui l’examine décide de l’hospitaliser dans le service du docteur Charcot, qui en alors absorbé par ses recherches sur l’hystérie féminine.

Parce qu’elle fait une crise en présence de Charcot, celui-ci daigne enfin s’intéresser personnellement au cas d’Augustine. S’établit alors entre eux une relation étrange, tout d’abord sur le mode dominant/dominé, puis elle évolue vers un échange, une réciprocité.

L’action du film se déroule en novembre-décembre et la réalisatrice filme une nature sombre, presque hostile, notamment dans les jardins de l’hôpital, ce qui laisse une impression de froideur permanente, alors qu’Augustine aime les couleurs, Charcot le note dans ses comptes-rendus. Elle aime les rubans et les robes colorés, elle s’amuse avec le singe du docteur, elle est très vive malgré sa pathologie. J’ai trouvé ce travail sur les contrastes très intéressant, notamment l’opposition entre Augustine et la femme de Charcot, qui est une beauté froide et qui se sent menacé par cette patiente si particulière aux yeux de son mari. Celui-ci est un scientifique, il essaye d’analyser les réactions des malades de manière raisonnée, il observe des coupes de cerveaux pendant de longues minutes pour en déduire des vérités scientifiques, mais au contact d’Augustine, il perd parfois son sang froid et perd de sa rigidité, il est un homme comme les autres, qui éprouve des sentiments.

Le film est une critique de la façon dont on traitait les patients au XIXème siècle, ou en tout cas les femmes du peuple. Si Charcot s’intéresse autant au cas d’Augustine, c’est que celle-ci peut lui apporter la reconnaissance de ses pairs, plus particulièrement de ses messieurs de l’académie de médecine. Il obtiendra alors des subventions pour poursuivre ses travaux. Pour arriver à ses fins, il expose Augustine au regard de ses hommes cravatés et guindés, il provoque, sous hypnose, de nouvelles crises et tente sur elle des expériences humiliantes, tout ceci au nom de la médecine.

J’ai vraiment beaucoup aimé ce film, j’ai trouvé Soko et Vincent Lindon merveilleux, et je me demande comment ce dernier peut interprêter des personnages aussi différents au fil des films avec toujours autant de talent. On aime critiquer le cinéma français, moi je l’ai toujours défendu et quand on voit ce premier film si plein de promesses, je me dis que j’ai raison.

Alice Winocour, Augustine, 2012, 1h42, avec Vincent Lindon, Soko, Chiara Mastroianni